L’expertise comptable sera-t-elle plus féminisée dans le "monde d’après" ?

En 2021, l’ONU a choisi comme thème pour la Journée de la Femme : « Leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 », voulant ainsi souligner l’écart entre le rôle majeur qu’elles ont joué, partout dans le monde, dans la lutte contre le COVID-19, et la persistance des inégalités dont elles pâtissent.

En France, les experts-comptables ont été en première ligne pour accompagner et soutenir les entreprises tout au long de la crise, révélant leur rôle crucial dans le paysage économique. Mais quelle réalité se cache derrière cette appellation générique d’« expert-comptable » qui ne se décline pas au féminin ? Quelle est la place des femmes dans la profession, et quels sont les enjeux de son évolution ?

Un métier qui souffre (à tort) d’un déficit d’attractivité

L’expertise comptable pâtit injustement de clichés qui ne font pas honneur à la profession, mais qui curieusement épargnent les femmes, ce qui n’est pas une bonne nouvelle : d’un côté, leur absence traduit une forme de misogynie attachée au métier d’expert-comptable, d’un autre, les images véhiculées ne leur donnent pas forcément envie de franchir le pas pour entrer dans la profession…

De fait la vraie question qui se pose au regard du surprenant décalage entre la réalité du métier d’expert-comptable et les préjugés qui l’entourent est celle de l’attractivité de la profession auprès des jeunes, hommes et femmes. Et si, comme le suggère Françoise Savés, Présidente de l’Association des Femmes Experts-Comptables, la réponse résidait dans l’accélération de la féminisation des effectifs : « L’arrivée des femmes et des valeurs féminines qui ont innervé la société française dans la profession d’expert-comptable changera la profession pour le bien de tous et renforcera son attractivité ».

Féminisation de l’expertise comptable : où en sommes-nous vraiment ?

Selon les chiffres, la place des femmes dans la profession expert-comptable tend clairement à s’accroître : les femmes représentent 13% des effectifs chez les plus de 60 ans, 34% chez les moins de 40 ans, et 45% parmi les stagiaires. Une tendance encourageante donc, mais qui reste malgré tout limitée, puisqu’aujourd’hui 26,47% seulement des experts-comptables inscrits au tableau de l'Ordre sont des femmes, et ⅔ des femmes diplômées n'exercent pas dans le monde libéral, lui préférant un poste en entreprise. A cela s’ajoute que les femmes demeurent largement sous-représentées dans les instances dirigeantes. En somme, plus on monte dans la hiérarchie des cabinets, plus le pourcentage d’effectifs féminins diminue: tout se passe donc comme si, plus que dans les autres professions libérales, les femmes se heurtaient dans leur progression à un plafond de verre, choisi ou imposé.

Quels sont les enjeux de la féminisation de l’expertise comptable ?

Dans son mémoire sur la féminisation de la profession d’expert-comptable, Florence Boucherit identifie trois types d’enjeux et esquisse des pistes pour y répondre :

• Le premier enjeu, selon elle, est celui du renouvellement des générations, qui passe par une revalorisation de l’exercice libéral auprès des femmes, ce qui va à l’encontre du discours négatif communément tenu aux stagiaires qui insiste sur la pénibilité du métier, au risque d’en détourner les femmes au profit des carrières en entreprise. Or, insiste Françoise Savés, le métier d’expert-comptable est un métier indépendant qui offre aux femmes, notamment aux mères de famille, des avantages en termes de liberté (possibilité d’accepter ou pas les missions, organisation du temps de travail et recours au télétravail,…) plutôt favorables au bon équilibre vie professionnelle/vie personnelle.



• Le deuxième enjeu est celui de la capacité à répondre aux évolutions du métier : au-delà de la comptabilité pure, les clients sont aujourd’hui demandeurs d’autres services : aide à la gestion, conseil social et fiscal, conseil patrimonial, aide au développement durable… Autant de missions d’accompagnement qui requièrent des solutions innovantes et créatives, et des compétences peut-être plus féminines comme le sens de l'écoute, l'intuition, l'empathie, le pragmatisme…



• Enfin, dernier enjeu, une plus grande féminisation du métier contribuerait certainement à l’attractivité auprès des clients de la marque « Expert-comptable » qui porte les valeurs de compétence, éthique et confiance et qui fédère un réseau solide et engagé.

Vive les femmes experts-comptables !

Selon un sondage réalisé par le cabinet d’expertise comptable en ligne wity.fr, 48% des hommes préfèrent faire appel à une femme expert-comptable plutôt qu'à un homme, ce qui est également le cas pour 55% des femmes interrogées. Si l’on y ajoute l’effet d’accélération qu’a joué la crise sanitaire sur toutes les mutations en cours (règlementations en faveur de la parité, évolution des modèles sociétaux, recours croissant au télétravail), le « monde d’après » semble donc particulièrement ouvert à une plus grande féminisation de la profession. Reste peut-être à reprendre (pour le clore) le débat sur l’opportunité de féminiser le titre d’expert(e)-comptable…